Et eux ?

Louise, de son surnom Loulou, porte avec élégance sa petite soixantaine. Née à Montréal, où elle a vécu jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, elle s’est ensuite installée au vert avec sa famille.

Enfant indépendante et dynamique, puis jeune militante engagée, la technicienne juridique de formation au tempérament de feu a lutté avec passion contre les injustices. Toutes les causes étaient bonnes pour manifester!

Loulou, qui n’a d’ailleurs jamais voulu se faire appeler “secrétaire” s’est fermement battue pour faire changer la définition de ce qu’était une secrétaire à l’époque.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours été animée par ces sentiments de justice et d’équité.

“C’est un leg que mon défunt père m’a laissé. J’ai commencé à travaillé à la dure, dans un bureau entièrement anglophone du centre-ville de Montréal. À l’époque, nous n’étions que trois francophones parmi les collègues. Pas question de parler français entre nous! Nous recevions des plaintes.

Mais je peux vous dire que lors de l’élection du Parti québécois le 15 novembre 1976 et l’entrée en vigueur de la Loi 101*, le 16 novembre au matin, c’est avec mon poing vers le haut que j’ai crié “Victoire!” en sortant de l’ascenseur. Jamais depuis, je ne n’ai assisté à un tel spectacle de “faces abattues”.

Voici Loulou :)

“ Par la suite, j’ai dû composer avec le fait qu’il m’était préférable de tourner la langue sept fois avant de parler… J’avais la parole un peu facile”.

- Ce n’est plus le cas?

- Je suis toujours aussi “verbomoteur”, mais j’ai tout de même plus de retenue (rires).

Si Loulou parle beaucoup, elle bouge beaucoup aussi. Si le sport a toujours fait partie de sa vie, il l’a surtout aidé à s’accepter.

“À l’adolescence, j’étais mince, voire maigre, et très grande. Bombardée de mots blessants, j’étais la risée. Le sport m’a apporté alors beaucoup de bienfaits et m’a permis d’oublier mon physique. Compétitive, je les pratiquais presque tous et j’excellais… Aujourd’hui encore, le sport me nourrit. Que ce soit en couple, en famille ou seule - ski, raquette, patin, vélo, randonnée -, j’ai besoin d’en faire; mon corps me le demande.”

Vous l’aurez compris, Loulou est une femme active et de défis. Celle qui refuse de penser à la retraite et qui travaille avec dévotion pour le même employeur depuis une trentaine d’années est aussi ceinture noire de karaté! Un challenge qu’elle s’est lancée pour ses quarante ans.

“J’étais curieuse de voir ce que cette discipline mentale m’apporterait et nous avons commencé cette discipline en famille. J’ai terminé seule ce parcours.”

Après sept années d’efforts mentaux et physiques, sur un chemin parsemé de blessures et à l’âge de quarante-sept ans, après onze combats, elle a obtenu sa ceinture noire!

- Pourtant habituée aux compétions et aux récompenses, comment vous êtes-vous sentie ce jour-là?

- Habitée d’un sentiment de très grande fierté… qui perdure encore aujourd’hui. Parce que dans ce milieu plein de testostérone, on ne m’a pas fait de cadeau. Je n’ai jamais rien ressenti de comparable depuis la réussite de mon passage de la ceinture noire. Cette discipline m’a apporté le respect envers mes pairs et une confiance qui m’était quelquefois défaillante… Un cadeau que je me suis offert qui est l’un de mes plus beaux défis de vie!

- Êtes-vous optimiste de nature?

- Je ne dirais pas que je suis une grande optimiste, mais j’y travaille fort. Mon conjoint m’aide beaucoup, il est formidable et très à mon écoute.

- Si vous deviez vous décrire en quelques mots…

- Un livre ouvert. Je ne peux cacher à personne ce que je ressens et je communique aisément avec qui que ce soit, peu importe le milieu. Sinon, je dirais que je suis émotive et empathique. Ayant l’habitude de tout prendre sur moi, j’ai dû apprendre à faire du délestage. Sinon, on dit de moi que mon sourire est accrocheur… C’est quelque chose de naturel.

- Comment avez-vous vécu le passage que beaucoup de femmes craignent, la ménopause?

- À part quelques petites chaleurs, je ne l’ai pas vue passer et je me compte chanceuse d’avoir traversé cette période sans avoir eu à en subir les inconvénients.

- En quoi se résume votre bonheur?

- En peu de choses. Être entourée de mes proches, ma famille immédiate, des vacances au bord de la mer - j’adore être dans l’eau - et regarder le film Dirty Dancing pour une quarantième fois (rires).

- Quelles situations peuvent vous rendre triste et comment les gérez-vous?

- Ce que je trouve difficile, c’est d’avoir perdu des amis. La perte des proches me rend souvent nostalgique et me fait prendre conscience que le facteur temps est précieux. Sinon, dans mes moments de déprime, j’ai dû apprendre à canaliser mes émotions par la respiration et la pratique du yoga. Étant impulsive et instinctive, je prends maintenant un temps de réflexion plus long avant de prendre une décision. Auparavant, sitôt arrivée d’un voyage, je planifiais l’autre, et ainsi de suite pour tout.

- Votre plus grande fierté personnelle?

- Elle s’appelle Marie-Lou. C’est ma fille. Si elle pouvait se voir dans mes yeux, elle verrait comment je suis fière d’elle.

- Chacune de vos phrases est ponctuée d’éclats de rire, votre ton, enjoué. L’humour a-t-il une place importante dans votre vie?

- Oh oui ! J’aime qu’on me fasse rire et j’aime entendre le rire autour de moi, surtout quand c’est celui d’un enfant. Ça me fait un bien énorme.

Et comment la pétillante Loulou imagine-t-elle son futur ?

“Ma projection du futur s’est arrêtée suite à l’annonce de mon cancer du sein, en 2016. Depuis, je ne fais aucun projet à long terme, mais plutôt à court terme (sourire). J’aimerais être une mamie dynamique le plus longtemps possible pour ma petite-fille de deux ans. Vivre le plus longtemps possible ? Evidemment, mais pas en devenant une vieille qui radote. Hors de question que fasse vivre ça à mes proches. Et pour le reste, la quiétude de notre paradis, à St-Sauveur, au milieu des montagnes et de la verdure et le fait d’être entourée des miens m’apaise pour le temps qu’il me reste à vivre”.

- Lorsque vous vous retournez sur votre chemin, que vous dites-vous?

- Que ma vie a été bien remplie… Que mon passé m’a fait vivre de forts et beaux moments et qu’il a fait de moi qui je suis aujourd’hui.

- Et pour finir, un conseil que vous donneriez à Lilou, votre petite-fille ? “Ne rêve pas ta vie, vis tes rêves. Écoute ton instinct, il sera ton meilleur guide quant aux décisions que tu auras à prendre”.

Merci Loulou :)

*Introduite par Camille Laurin, la Loi 101, soit la Charte de la langue française (1977), fait du français la langue officielle de l’État et des tribunaux au Québec. Le français devient la langue normale et habituelle au travail, dans l’enseignement, dans les communications, dans le commerce et dans les affaires.

Alexandra Filliez