Et eux ?

Ophélia. Son chemin vers la maternité, partie 2.

(FIV : fécondation in vitro. PMA : procréation médicale assistée)

Rencontre :

- Ophélia, la FIV du mois dernier a échoué. Comment t’es-tu sentie sur le moment? 

Mes règles ont débuté le jour où je devais faire le test de grossesse. Comme si je n'y croyais pas, j'ai quand même fait le test. Koco et moi étions en voyage d’affaires à Toronto; il a fallu garder la tête haute. Comme pour ne rien sentir, j’ai mis mes larmes de côté et mes émotions dans un petit tiroir, pour plus tard. Je ne sais pas si c’est une bonne chose…

- Depuis, y penses-tu régulièrement?


Bien sûr. Je me pose plein de questions. Est-ce le bon moment? Serais-je une bonne maman? Est-ce que je devrais continuer les démarches? Je pense à cette « éventuelle maternité » au moins une fois par jour avec des moments d'incertitude et de tristesse. Néanmoins, j'essaie de chasser ces pensées de mon esprit… on me dit que plus on y pense, plus on stresse et moins les chances sont bonnes. 

- En parles-tu autour de toi ? Si oui, à qui, sinon, pourquoi? 

Pas beaucoup. J'ai peur que les gens me prennent en pitié ou portent des jugements. Sans compter « la fameuse question » qui reviendrait chaque mois “Alors, ça y est ?” Si mon entourage était au courant, ça me rajouterait un stress. Quelques personnes clés m’aident. Et c’est de leur écoute dont j’ai le plus besoin.

En revanche, j’ai naturellement pris de la distance avec des connaissances qui viennent d'accoucher ou de tomber enceinte… celles qui ont des opinions trop fortes sur le sujet, aussi. Ça a tendance à miner mon moral et à me donner encore plus de raisons de me comparer, alors je m'éloigne. Sans doute pour ne pas souffrir… c’est instinctif.


- Pas si simple de dissimuler ce genre d’aventure… Que trouves-tu le plus difficile à gérer? 

Garder le secret. Aussi, lorsque je vois défiler sur les réseaux sociaux les annonces de grossesses, les ¨gender reveal party" ou qu'une cousine/belle-soeur m'appelle pour annoncer leur bonne nouvelle, je ravale mes larmes. En les félicitant - et je suis sincèrement heureuse pour elles -, je deale avec mes sentiments d'injustice. Sinon, les visites à la clinique pour le protocole me font cumuler les petits mensonges, justement, et ce n’est pas agréable. Justifier les absences, éviter les sorties où l'alcool coule à flots, faire semblant...

- À quelle fréquence ont lieu tes FIV? 

Vu mon jeune âge (31), le protocole est d’un mois sur deux seulement. Les cliniques, débordées, ont été contraintes de trancher sur l’âge, pour que des femmes plus âgées puissent avoir toutes leurs chances. Aussi, on ne tient pas compte du fait qu’il ne me reste qu’une trompe de fallope.… - Et l’arrêt des PMA à travers le Québec est toujours d’actualité… En effet. À savoir quand ça reprendra? Mystère.

- Tu me disais te sentir coupable envers ton mari….

Oui. Sachant qu'il pourrait fonder une famille avec quelqu'un d’autre de façon naturelle, sans avoir à passer au travers de cet « obstacle », je ne peux pas faire autrement que de blâmer mon corps et de scruter mon reflet dans le miroir en permanence. La culpabilité me ronge. Pourtant, lui me rassure toujours. Il est présent et reste confiant. 

- Est-ce que tu angoisses beaucoup avant d'entamer le "processus"?

Oh oui! J’appréhende la prise de médicaments bien plus que l'insémination en elle-même. La prise d'hormones est la pire étape, selon moi. C’est aussi la plus longue. Hormones par voie orale, hormones par voie vaginale, hormones en injections... tout ça en deux semaines. Puis, arrive le jour J et par la suite, les deux semaines d'attente. Et hop, on recommence! 

- Sur quoi la prise d’hormones agit-elle, dans ton cas? 

Elle est compliquée et agit sur mon corps, mon humeur, ma relation. Je me sens lasse, dépressive, anxieuse... Par le passé, j’ai été sujette à l’anxiété alors je n’aime pas ces mauvais sentiments qui refont surface et dont j’ai zéro contrôle.

- Comment manages-tu ces passages?

Etant consciente d’être fragile à ce niveau-là, je ne veux surtout pas retomber. Même si certains jours j’ai peur pour ma santé mentale, j’essaie de me répéter que ce que je fais, je le fais pour un grand bonheur à la fin. C'est mon mantra :)

- Serais-tu ouverte à échanger avec une mère que tu ne connais pas et qui a traversé les épreuves de la PMA?

Certainement. Ça me rassurerait de savoir que je ne suis pas seule, parce que pour moi l'infertilité est encore un sujet tabou! Je ne connais personne qui soit passé par là. Ce serait une chance de parler avec quelqu’un de neutre pour qui l’aventure s’est bien terminée.

Raphaëlle, mère de trois joyeux adolescents, a mené un combat de dix ans avant de pouvoir donner naissance à son premier bébé. 

À suivre …

Alexandra Filliez