Et eux ?
Partie 1. Ophélia, son chemin vers la maternité.
Créer la vie, la porter, la donner… quoi de plus beau et de plus naturel ? Ce bonheur n’est pourtant pas offert facilement à tout le monde. Certains couples connaissent un parcours éprouvant vers la conception d’un enfant et lorsqu’il est question d’infertilité, bon nombre d’entre eux se tournent du côté de la PMA (procréation médicale assistée.)
Selon la situation de chacun et l’évaluation réalisée, plusieurs techniques sont alors proposées : l’insémination artificielle, qui consiste à injecter du sperme dans l’utérus de la femme au moment de son ovulation, la stimulation d’ovulation ou encore la FIV (fécondation in vitro), qui fait se rencontrer une ovule et un spermatozoïde en laboratoire. Suite à la fécondation, les embryons sont transférés dans l’utérus.
Bref, véritable saut dans l’inconnu, les étapes d’une PMA peuvent être génératrices de détresse…
« Est-ce douloureux ? Faut-il se confier à l’entourage ? Et si toutes les tentatives échouent ? »
Autant de questions légitimes pour des personnes “en plein processus” qui peinent parfois à trouver du soutien, que ce soit au niveau personnel ou au niveau médical.
Trentenaire, enseignante de formation et travaillant à son compte, Ophélia est mariée à Koco. Depuis sa tendre enfance, la jeune femme sait qu’elle sera mère. Il n’y a pas d’autre option.
Mais deux ans d’essais infructueux, une opération imprévue, peu d’empathie de la part du corps médical… et la voilà depuis plusieurs mois sur la route tortueuse de la PMA.
Bilan ?
Culpabilité et angoisse font partie de son quotidien. Quant au fardeau physique des effets secondaires liés aux traitements, qu’elle porte seule, elle le trouve lourd. Malgré tout, Ophélia essaie de rester positive et de mener une vie saine.
Rappelons le conflit qui perdure depuis des mois entre le gouvernement du Québec et les cliniques de fertilité (qui rejettent la nouvelle loi concernant la PMA et suspendent les unes après les autres leurs services!)
Si elle ne sait pas quand son protocole pourra redémarrer, elle y croit.
C’est avec pudeur et émotion qu’elle se confiera sur son chemin vers la maternité. Et jusqu’au bout du chemin, nous l’accompagnerons.
Parce qu’on y croit avec elle :)
L’ego de l’infertilité
La table froide et cirée me donne des frissons.
“Je vois une masse, mais ne vous inquiétez pas.”
Masse et inquiétude dans la même phrase ne font pas bon ménage. J’ai tout à coup très chaud. Je balbutie un timide “Est-ce un cancer?”
“Non, mais il faudra procéder à une opération exploratoire”, me répond-on de façon austère.
6 mois plus tard et une trompe de Fallope en moins…
Nue devant le miroir, j’observe mes cicatrices. Ces quatre incisions sur mon ventre me rappellent le moment où j’ai dû prendre la décision de passer sous le bistouri. J’aurais voulu me cacher dans une garde-robe et retenir mon souffle pour qu’on ne me retrouve pas. Le mauvais œil de l’infertilité m’a tirée de ma cachette et m’a ramenée à la réalité.
Lorsque j’ai juré devant l’autel d’être présente dans les moments difficiles et dans la maladie, je ne croyais pas que le sort se jetterait sur moi. Je vais toujours veiller sur mon mari… mais le problème là, c’est moi, mon corps. Il ne peut donner vie sans l’aide de la science. Chaque jour est une bataille dans ma tête et l’ego l’emporte toujours.
“Comment te sens-tu?”
Une question qui revient souvent ces temps-ci. Lorsque j’essaie d’expliquer à Koco les sentiments qui me hantent, je ne sais pas comment déverser cette tempête qui rugit, sans honte. Je n’ai pas les outils. La culpabilité m’engouffre, m’étouffe et je ne peux plus respirer tant les larmes ont coulé. Pourquoi moi? Cette question en boucle. Une trompe de Fallope en moins, quatre cicatrices et un cœur meurtri.
“Ne t’inquiète pas, tu seras mère un jour”, me répète-t-il, toujours bienveillant.
Ne pas m’inquiéter… Un sport que je pratique depuis cet été. Une bicyclette qui roule à fond dans mon esprit, que je suis incapable de contrôler. L’ego de l’infertilité me rattrape; il est juste derrière moi!
Les hormones me brouillent la vue et les injections sont si fortes qu’elles m’engourdissent. Cachée sous la couette, je camoufle le son de mon désarroi. Je ne veux pas qu’il sache. Il en voit déjà trop. Trop de pleurs, trop de nervosité, trop d'échecs.
“Madame, si vous voulez avoir une chance d’enfanter, nous devons débuter un protocole rapidement.”
Une phrase qui frappe. (Je cherche un soupçon d’empathie dans le ton de la voix, mais rien à faire, je ne trouve pas).
Je me revois petite, en train de donner le biberon à ma petite sœur. Je me revois à 16 ans, nounou pour des familles nanties. Je me revois à 18 ans dire à mes parents que mon rêve est d’être maman à la maison. Je me revois à 28 ans croiser les doigts chaque mois. Et puis je me regarde aujourd’hui à 30 ans face au miroir. J’affronte la plus grande peur de ma vie.
Un cauchemar devenu réalité que je n’arrive pas à contrôler. Et mon ego qui est incapable de le digérer…
… À suivre, entretien avec Ophélia.